Commune(s) FOUESNANT (29)
Surface protégée : 86.99 hectares
Unité littorale : COTE SUD DU FINISTERE
Tel un oiseau aux ailes de sable, la pointe de Mousterlin semble, vue du ciel, porter de sa double flèche sableuse les côtes de Cornouaille. Unique en France, cette formation géologique a créé au couchant, la Mer Blanche, et au levant, les marais de Mousterlin dont une importante surface fut soustraite à l’influence des marées par la volonté des hommes. Nature et humanité ont ainsi façonné deux entités bien distinctes où sel et mouvements de la mer, selon présence ou absence, ont donné des paysages radicalement différents. À l’ouest, le littoral est resté ouvert aux influences maritimes tandis qu’à l’est, abrités par des digues érigées au début du XXe siècle, les rivages marins ont cédé la place aux berges de plans d’eau frangés de roseaux et aux prairies humides bordées de saules.
Dans une relative immobilité, les canaux se sont enrichis de limons féconds, de végétations denses et de paisibles vies animales. À l’écart des rivages surpeuplés, les marais de Mousterlin vivent au rythme d’une nature qui, des temps modernes, ne perçoit que de très lointains échos. Miroitements des lagunes, ondulations des roseaux, vols planés ou battus, lumières intimes de forêts-galeries tapissées de menthes aquatiques y dessinent les contours d’un autre monde.
La flore
Pour assurer l’équilibre des habitats, un système de vannes stabilise le niveau des eaux de la lagune. Flores des étangs, des zones humides et des dunes se côtoient ici sur plus de cent hectares. L’iris des marais s’installe dans les moindres dépressions humides. Cette plante attire les insectes par son nectar situé à la base de sa corolle. Ne pouvant résister à la tentation olfactive, abeilles et bourdons entrent dans ses jolies fleurs jaunes pour butiner. Peu après, couverts de pollen, ils repartent féconder à leur insu d’autres plantes. Au bord de la roselière, les épis pourpres des longues fleurs des salicaires se mêlent aux plumets soyeux des phragmites. En d’autres temps refuges des kobolds, lutins et autres korrigans, ils étaient employés au siècle dernier pour colorer les bonbons en rouge. Roseaux, joncs et carex abondent. Ils servent au rat musqué pour la construction de sa hutte. L’osmonde royale, fougère au port superbe, pousse dans les sous-bois humides. Ses feuilles fraîches étaient utilisées autrefois dans les campagnes comme litière pour les enfants chétifs. Dans un tout autre milieu, les pourpiers de mer parsèment de leurs petites feuilles grasses et brillantes les sables de la dune blanche. À proximité des lichens des rennes qui, au nord de l’Europe, jonchent la toundra arctique, orchis bouffons et orpins âcres égayent de violet et de jaune la dune grise. Les queues de lièvres, aux pompons blonds et doux, y ondulent sous le vent marin.
La faune
Le printemps vient d’arriver, sèves et sangs coulent d’un flux nouveau. C’est la saison des amours. Parades et rencontres se multiplient au sol et dans les airs. Une fois les couples formés, arrive le temps des présents nuptiaux. À chacun sa sensibilité. Pour le faucon crécerelle, ce sera un campagnol. La sterne Pierregarin offrira à sa compagne un petit poisson tandis que le héron, plus versé dans la construction, fera cadeau à sa femelle d’une plante destinée à la fabrication du nid. Les préliminaires bien engagés, mâles et femelles hérons cendrés adoptent une attitude accueillante. Cris de séduction et posture incitatrices stimulent leurs désirs sexuels. C’est le moment de toutes les prouesses. Sur le dos de sa compagne qu’il saisit à la nuque, le mâle bat des ailes pour se stabiliser puis, après quelques soubresauts, déverse sa semence. Quelque temps plus tard, de jeunes hérons naîtront au creux d’un grand nid fait de branchages entrelacés. Autres espèces, autres comportements. De nombreux canards vivent dans la roselière. Les colverts y circulent en couple, sauf au moment de la couvaison. À ce moment, les mâles colorés de vert, de brun pourpre et de blanc déambulent en bandes unisexes, caquetant sans doute de leur future progéniture. Au nord de la digue, un espace boisé enchevêtré est réservé à la faune. Près de l’eau, la bouscarle de Cetti y construit son nid dissimulé dans la végétation. Sur le littoral, de petits groupes de bécasseaux Sanderling, au plumage argenté piqué de noir, arrivent à l’automne de leur toundra natale pour se régaler de puces de mer qui bondissent à la limite des flots.
Avec près de 120 hectares dont 5 composés de roselières, le marais de Mousterlin est une zone humide à l’équilibre précaire.
Acquis par le Conservatoire du Littoral à partir de 1981 et géré par la Communauté de Communes du Pays Fouesnantais, ce site nécessitait un suivi attentif.
Ainsi, pour restaurer les marais, deux importantes phases de travaux ont été engagées.
Dans un premier temps, pour enrayer la tendance naturelle à l’envasement du milieu, les fonds de lagune ont été curés. À l’aide des boues récupérées, les berges furent reprofilées. Des îlots furent réalisés sur certains plans d’eau afin de créer de nouveaux habitats. Ils accueillent depuis une faune spécifique. Pour maintenir le paysage ouvert, le faucardage des roselières a été opéré sur une grande échelle. Canalisée par la mise en place d’un cheminement recouvert de broyat de saules, l’importante fréquentation du littoral s’est régulée peu à peu. Naguère piétinées, les dunes ont été protégées par des ganivelles en châtaignier et stabilisées par la plantation d’oyats.
Dans un second temps, s’imposaient la rénovation des ouvrages hydrauliques, le recul des stationnements et la poursuite de la réhabilitation des dunes. En complément de ces actions de fond, un entretien permanent est assuré. Campagnes de curage des canaux, fauches annuelles avec exportation de matière, pâture des prairies, éclaircie de la saulaie marécageuse via l’exploitation du bois, faucardage de la roselière à l’issue de la période de nidification des oiseaux en sont quelques exemples significatifs.
Un important effort de sensibilisation est également entrepris auprès du public. L’aménagement de postes d’observation, l’implantation de bornes pédagogiques, l’intervention de professionnels de l’éducation à l’environnement concourent activement à la préservation du polder.
En 1790, naît dans la campagne fouesnantaise une contre-révolution emmenée par le juge de paix Nédélec. Elle mobilise alors des milliers de paysans hostiles aux nouvelles lois et à l’augmentation des impôts. Quelque temps plus tard, la révolte est défaite. Les marais deviennent de précieux refuges pour les contrerévolutionnaires. Cette vocation renaîtra en d’autres circonstances, notamment pour les résistants de la seconde guerre mondiale. Au début des années 1920, la mer entrait encore dans les terres puis, en 1928 et 1930, deux digues seront construites afin de protéger les terres agricoles régulièrement submergées lors des grandes marées. Un polder de 126 hectares sera ainsi créé. Une activité agricole traditionnelle s’y maintiendra jusqu’à nos jours où, par le biais de conventions agricoles, les prairies sont toujours entretenues par des troupeaux de bovins. En 1959, six poneys Shetlands seront donnés par Gwenn Aël Bolloré à la commune de Fouesnant et embarqués à destination de Penfoulic et Mousterlin. Ces poneys, particulièrement bien adaptés à l’environnement des marais, proliférèrent tranquillement si bien que, l’utile se doublant de l’agréable, vétérans et descendance paissent encore aujourd’hui dans les parcelles enherbées. Affectés à l’ouverture des milieux, bovins et équidés s’avèrent d’excellents auxiliaires de gestion.
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